index
 

UN VERNISSAGE QUI A FAIT DU BRUIT

 


Des enjoliveurs pour percussions, et oui, l'automobile était reconciliée avec la musique, un coup de revolver en fa dièse! Entre deux accords de guitare électrique stimulés par une pédale wa-wa, le cri aigu d'un saxophone délirant, un trombone braillard précédant le sifflement d'un rossignol, cacophonie, free jazz, musique «modern style», hyper réaliste, je ne sais trop encore, le tout exécuté par des instrumentistes on ne peut plus sérieux, lundi en fin de journée le groupe chartrain Camizole se donnait en spectacle à l'Ancienne Chapelle de la Grande Rue.
Non pas pour un concert, mais pour le vernissage de l'exposition signée Elizabeth Bonvarlet et Albert Hagenaars, le troisième à l'affiche, Bert Bevers, ayant déclaré forfait.
De personnalités, point. Mais à ce petit événement doublement artistique et gentiment loufoque, un petit public de grands initiés, qui a particulièrement goûté l'un des temps forts de ce rendez-vous planant, l'envol très musical dans une niche de l'Ancienne Chapelle d'un des faiseurs de bruit.
Côté peinture, c'est tout aussi déconcertant, mais dans le genre plutôt bien fait. Autant dire que le très sonore bruitage de Camizole convenait parfaitement aux toiles.

Elisabeth Bonvarlet, Chartraine elle-aussi, journaliste actuellement sans emploi, a rencontré Albert Hagenaars, étudiant en litterature à Amsterdam , voici deux ans. Les deux jeunes gens ont en commun un goût très prononcé pour le morbide. Elle présente une série de créatures diformes, des silhouettes solitaires, accablées, qui n'ont d'autre expression que celle de la plus profonde angoisse. Son univers fantasmatique n'est peuplé que d'êtres prostrés dans l'attente impuissante d'une fin irrémédiable. La monochronie des tons, dans laquelle sont brossés les personnages, est là pour accentuer davantage le funeste destin vers lequel tous semblent glisser lentement.

Avec Albert Hagenaars la méthode est un peu différente mais l'effet est sensiblement le même, encore que le peintre prenne là un peu de distance vis à vis de son sujet sur lequel il ironise volontiers, témoins les commentaires placés sous quelques unes de ses oeuvres. Sur le carton où les planchettes servant de support, les couleurs abondantes ont été jetées avec violence. Des traits gras se croisent et s'entremêlent. L'écheveau est inextricable. Et puis au milieu du lot, contrastant singulièrement par son réalisme, un tableau sur toile représente le poète maudit J.J. Slauerhoff sur son lit de mort. Un maître à penser pour Albert Hagenaars, qui se réfère aussi à son compatriote Willem de Kooning et à un certain groupe baptisé Cobra. A son côté, et c'est d'un autre genre encore, une géniale composition avec les outils de travail du créateur collés à même une planche avec en dessous cette épigramme: «Placer votre argent intelligemment. Achetez maintenant les tubes et les pinceaux de grand maître (2.000 Francs)».
Tout cela, si ce n'est pas un grand pied de nez à l'art, à moins que ce que c'est?  

L'exposition est ouverte tous les jours jusqu'au 10 janvier, de 10 à 12 heures et de 13 heures à 19 heures.  

D.M.


index